Couples : qui se ressemble s’assemble
78 % des ouvriers vivent avec une ouvrière ou une employée, contre 3 % avec une femme cadre supérieure. Le choix du conjoint reste lié à la position sociale. Extrait du Centre d’observation de la société.
22 août 2017
https://www.inegalites.fr/Couples-qui-se-ressemble-s-assemble - Reproduction interditeEn matière de couple, qui se ressemble s’assemble, et le milieu social compte pour beaucoup dans cette ressemblance. Les sociologues français n’étudient plus guère ce phénomène qu’ils qualifient d’« homogamie », pourtant essentiel pour comprendre la reproduction sociale. Les dernières données sur le sujet datent de 1999 [1]. Un travail peu connu du sociologue Milan Bouchet-Valat permet d’actualiser ces données. Il fait apparaître une diminution de l’homogamie dans le temps long.
En 2011, 78,2 % des ouvriers vivaient avec une ouvrière ou une employée, alors que ces dernières ne représentaient que 53 % de l’ensemble des conjointes [2]. Seuls 2,8 % des ouvriers vivaient avec une femme cadre supérieure. De leur côté, 38,5 % des cadres supérieurs formaient un couple avec une femme de même catégorie sociale, soit 2,6 fois plus que dans la population des conjointes. Une autre étude [3] apporte des éléments sur l’homogamie en fonction du diplôme. Là aussi, les résultats sont édifiants : les deux tiers des hommes sans diplôme nés en 1970 vivaient en couple avec une femme ayant au mieux le BEP. 82 % des bac + 5 l’étaient avec une femme disposant au moins d’un bac + 2. Seuls 4 % des bac + 5 cohabitaient avec une femme sans diplôme.
L’amour entre deux personnes n’est pas le fruit du hasard. Les goûts personnels sont orientés en fonction de notre milieu : on aime vivre avec une personne qui partage un mode de vie similaire, des mêmes habitudes de loisirs, des centres d’intérêt, une même façon de parler, etc. Autant d’éléments qui dépendent beaucoup de l’origine sociale.
Les premiers résultats des travaux de Milan Bouchet-Valat, sur la période 1969-2011, font apparaître une tendance à la diminution de l’homogamie entre catégories sociales ou entre diplômés et non diplômés. « L’homogamie en termes de diplôme, de classe sociale et de classe sociale d’origine a clairement décliné en France au cours des quarante dernières années », indique-t-il [4]. Seuls les plus diplômés se marient toujours autant entre eux, mais, globalement, la massification de l’enseignement a transformé la formation des couples. « Au total, la société française paraît ainsi plus ouverte aujourd’hui que dans les années 1960 », explique le sociologue.
Un facteur rend complexe la comparaison dans le temps : l’élévation très marquée du taux d’activité féminin, passé de 47 à 85 % pour les femmes âgées de 30 à 59 ans entre les années 1970 et 2010. À 40 ans d’intervalle, les populations de femmes sont très différentes et les écarts de niveau de diplôme se sont beaucoup réduits au sein de la population. L’homogamie baisse mécaniquement. Enfin, on l’évoque rarement [5], mais la hausse de l’activité féminine associée au maintien de l’homogamie a accru les inégalités de revenus entre les couples. En effet, ceux-ci sont de plus en plus souvent constitués de deux actifs (l’homme et la femme travaillent) de niveau de vie semblables, ce qui était moins souvent le cas hier.
Répartition des hommes en couple selon leur groupe social et celui de leur conjointe Unité : % | ||||||||
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Conjointe> | Agricultrice | Indé-pendante non agricole | Cadre sup. | Profession inter-médiaire | Employée | Ouvrière | Ensemble | |
Homme | ||||||||
Agriculteur | 33,1 | 1,1 | 5,3 | 16,7 | 30,7 | 13,1 | 100 | |
Indépendant non agricole | 0,5 | 17,9 | 11,9 | 21,6 | 43,1 | 5,0 | 100 | |
Cadre supérieur | 0,2 | 2,9 | 38,5 | 34,5 | 22,0 | 1,9 | 100 | |
Profession intermédiaire | 0,2 | 2,8 | 12,4 | 35,8 | 42,4 | 6,4 | 100 | |
Employé | 0,5 | 1,9 | 8,3 | 24,5 | 57,2 | 7,6 | 100 | |
Ouvrier | 0,2 | 2,2 | 2,8 | 16,6 | 59,4 | 18,8 | 100 | |
Ensemble | 1,2 | 4,1 | 14,9 | 26,8 | 43,9 | 9,1 | 100 |
Source : calculs Milan Bouchet-Valat (sept 2013) d'après l'Insee (enquête emploi 2011) – © Centre d'observation de la société
Répartition des hommes en couple selon leur diplôme et celui de leur conjointe Unité : % | |||||||
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Conjointe | Sans diplôme | CAP/BEP | Bac | Bac + 2 à + 4 | Bac + 5 et plus | Ensemble | |
Homme | |||||||
Sans diplôme | 41 | 26 | 16 | 15 | 2 | 100 | |
CAP/BEP | 26 | 37 | 18 | 17 | 1 | 100 | |
Bac | 16 | 19 | 28 | 33 | 4 | 100 | |
Bac + 2 à + 4 | 8 | 11 | 18 | 53 | 10 | 100 | |
Bac + 5 et plus | 4 | 4 | 10 | 47 | 35 | 100 |
Source : calculs de l'Edhec d'après l'Insee (enquêtes emploi 2003-2010) – © Centre d'observation de la société
Extrait du Centre d’observation de la société.
Photo / CC Vladimir Kudinov
[1] « Position sociale et choix du conjoint : des différences marquées entre hommes et femmes », Mélanie Vanderschelden, Données sociales : la société française - Édition 2006, Insee.
[2] Données pour les couples dont au moins une personne a entre 30 et 59 ans.
[3] « Avoir un diplôme pour faire une bonne carrière ou un bon mariage ? », Pierre Courtioux et Vincent Lignon, Edhec Business School, mai 2014.
[4] « Les évolutions de l’homogamie de diplôme, de classe et d’origine sociales en France (1969-2011) : ouverture d’ensemble, repli des élites », Milan Bouchet-Valat, Revue française de sociologie n°55-3, 2014.
[5] Voir « Croissance et inégalités : Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE », OCDE, octobre 2008.
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